Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/79

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— Tu es de la cité de Paris ?

— Oui.

— Sait-on l’approche de notre flotte ?

— Hier, à mon départ, on ignorait encore ta venue ; on doit aujourd’hui en être instruit.

— Se défendront-ils, les Parisiens ?

— Oui, si par méchanceté stérile, tu mets à mal les pauvres gens ; mais, si tu te contentes de rançonner les riches abbayes et les palais des seigneurs franks, nous te laisserons faire ; peu nous importe à nous autres !

— Et puis, vois-tu, Rolf, — ajouta Rustique-le-Gai, — le pauvre monde de Paris ressemble assez à un troupeau de moutons appartenant à un loup (ce loup c’est notre comte). Aussi voyant d’autres loups (toi et tes pirates) rôder autour de la bergerie, ledit loup, maître du troupeau, crie aux moutons : « — Sus ! sus ! lâches bêtes ! courez aux loups ! — À quoi le bon peuple moutonnier répond en moutonnant : — Seigneur aux longues dents, pour nous où est la différence d’être mangés par les loups Franks ou par les loups north-mans ? Donc, que ceux qui veulent nous manger se battent ; il nous suffit d’être la proie qu’on se dispute. »

La sœur Agnès, que Rolf tenait toujours sur ses genoux, se mit à rire de la réponse de Rustique ; le vieux pirate baisa bruyamment la nonne sur la joue, et dit au nautonnier : — Grâce à ta réponse, mon joyeux garçon, cette jolie fille m’a montré une fois de plus ses dents, aussi blanches que celles d’une jeune loutre. Ainsi les bonnes gens de Paris ne se défendront point ? en ceci sages ils seront ; car avec la réserve de soldats que je vais laisser ici dans cette abbaye fortifiée et mes deux mille bateaux, qui vont remonter la Seine jusqu’à Paris, ce n’est ni le comte Roth-bert, ni le roi Karl-le-Sot, le bien nommé, qui pourraient me résister ; ce roi, ainsi que tous ceux de sa race l’ont fait depuis un siècle, nous payera rançon, après quoi, bien chargés de butin, nous reprendrons vers le Nord la route des cygnes, à moins