Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/81

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tôt il vit entrer plusieurs pirates, traînant, malgré sa résistance, Guyrion-le-Plongeur, le visage inondé de sang.

— Mon fils ! — s’écria Eidiol en courant vers le jeune homme, — mon fils blessé !

— Guyrion, qu’y a-t-il ? — ajouta Rustique en courant sur les pas du vieillard, — et ta mère, et ta sœur, où sont-elles ?

— Ces bandits ivres ont tué ma mère, en voulant arracher Anne de ses bras, — répondit Guyrion d’une voix désespérée ; — j’ai voulu les défendre toutes deux et ils m’ont frappé d’un coup d’épée à la tête !

— Ma femme morte ! — s’écria le vieillard avec stupeur ; puis il s’écria d’un ton déchirant : — Rolf, justice ! justice et vengeance !

— Oui, Rolf, justice et vengeance ! — dirent plusieurs des pirates qui venaient d’accompagner Guyrion, — ce chien que nous t’amenons a tué un de nos compagnons ! Tu aimes à faire justice toi-même, fais-la.

Rolf, de plus en plus ivre, car il continuait de vider coupes sur coupes, répondit d’une voix rauque : — Oui, mes champions, je vais faire justice, laissez-moi seulement achever cette amphore de vin, ma soif ne tarit pas.

D’autres pirates entrèrent à ce moment, ils portaient Anne-la-Douce évanouie entre leurs bras ; ils la déposèrent aux pieds du chef des North-mans, en lui disant : — Vieux Rolf, voici une belle fille, nous te l’apportons ; on te la réservait, elle a été respectée.

En vain Eidiol, Rustique, Guyrion et plusieurs mariniers dont ils étaient accompagnés, voulurent courir au secours d’Anne, ils furent violemment repoussés et contenus par les pirates. La nonne et la serve effrayées avaient quitté les genoux de Rolf qui, aviné, chancelant et jetant un regard distrait sur Anne-la-Douce étendue à ses pieds sans connaissance, dit à ses hommes : — Mes champions, je vais faire justice. — S’adressant alors à Guyrion-le-Plongeur, qui, oublieux de la blessure qui ensanglantait son front, contemplait tour à tour,