Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/92

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réussir dans la mission dont je suis chargé ; nous désirons arriver le plus promptement possible auprès du Comte de Paris.

— De plus, — ajouta Guyrion en s’adressant au pirate, — je t’ai blessé... je vois à la manière dont tu portes ton bras que tu souffres beaucoup ; le fer de ma flèche est resté dans la plaie. Entre dans notre maison avant de te rendre au palais, nous y panserons ta blessure. Encore une fois je regrette de te l’avoir faite ; car si la mort de ma pauvre mère est due aux North-mans, hier tu nous as délivrés de prison ainsi que mon père, et ta compagne a sauvé ma sœur des outrages de Rolf !

— J’accepte ton offre, — répondit le jeune homme. — Je l’avoue, souvent j’ai été blessé, mais jamais plaie ne m’a été autant douloureuse que celle-ci.

La belle Shigne et Gaëlo endossant deux casaques de mariniers, quittèrent le rivage, remontèrent la berge, et se dirigèrent vers le pont ; ils virent une grande lueur éclairer l’horizon vers le nord, et lutter avec éclat contre les derniers feux du soleil couchant. À mesure qu’ils se rapprochaient de la ville, ils entendaient un tumulte croissant ; bientôt ils se trouvèrent au milieu d’un grand nombre de serfs qui, se dirigeant en hâte vers la porte de la tour dont le pont était surmonté, apportaient dans la cité, sous la conduite des gens d’église, les richesses des lieux saints, incendiés par d’autres serfs révoltés : c’étaient des caisses remplies de numéraire, des ornements d’autels d’or et d’argent, des statues de pareil métal, des châsses massives, éblouissantes de pierreries, et souvent si pesantes, que cinq ou six serfs suffisaient à peine au transport de ces magnifiques reliquaires ; ils contenaient rarement un corps de saint en entier ; mais seulement une jambe, un pied, un pouce, une dent, dont l’exploitation miraculeuse rapportait de grosses sommes aux églises. Les prêtres accompagnaient ces très-fructueuses reliques, en poussant des gémissements désespérés ou de furieuses malédictions contre les North-mans. Parmi la foule, les uns s’agenouillant dévotement se lamen-