Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 6.djvu/96

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— Ton grand-père Ewrag avait deux frères, comme lui fils de Vortigern. Lorsque, après la funeste division dont tu parles, Ewrag abandonna la Bretagne pour aller vivre au pays des North-mans, ses deux frères Rosneven et Gomer (ce dernier fut mon aïeul), continuèrent d’habiter le berceau de notre famille près des pierres sacrées de Karnak ; Nominoé, Judicaël, Allan-Barbe-forte, furent tour à tour élus chefs des chefs de l’Armorique. Plus d’une fois encore les armées des Franks envahirent et ravagèrent notre pays, mais ils ne purent y établir leur conquête d’une manière durable comme dans les autres contrées de la Gaule ; l’influence druidique, quoique abâtardie par la religion de Rome, entretint longtemps encore chez nos rudes populations la haine de l’étranger. Malheureusement les perfides conseils des prêtres catholiques et l’exemple des seigneurs Franks devenus peu à peu possesseurs héréditaires des terres et des hommes de la Gaule par droit de conquête, eurent une funeste influence sur les chefs Bretons ; élus d’abord librement par les peuples libres, selon l’antique coutume gauloise, en raison de leur vaillance, de leur sagesse et de leur patriotisme, ces chefs nés de l’élection voulurent rendre le pouvoir héréditaire dans leurs familles, ainsi que les seigneurs des autres provinces de la Gaule. Les prêtres catholiques, indignes complices de toutes les usurpations dont ils profitent, s’unissant aux chefs bretons pour accomplir cette grande iniquité, prêchèrent, ordonnèrent aux peuples la soumission à ces nouveaux seigneurs, comme ils avaient ordonné la soumission envers Clovis et ses Leudes. Peu à peu la Bretagne perdit ses vieilles franchises ; les chefs, jadis électifs et temporaires, devenus héréditaires et tout-puissants à l’aide du clergé, enlevèrent aux peuples bretons presque toutes leurs libertés ; mais du moins jamais ils ne les ont jamais jusqu’ici dégradés à ce point de les traiter en esclaves ou en serfs ; l’on peut encore se croire libre en Bretagne ! si l’on songe à l’horrible servitude qui écrase les autres pays de la Gaule, et du moins les seigneurs de l’Armorique sont de race bretonne. Des deux frères de ton aïeul,