Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/175

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— Et bientôt, à ces cris répétés par la foule, se joignirent les tintements du beffroi.

— Molrain, — dit Fergan au maire, — l’exaspération de la foule est si grande que je vais, pour le sauvegarder de toute violence, accompagner l’envoyé de Louis-le-Gros jusqu’à la porte de la ville, qui s’ouvre en face du palais épiscopal, puis je resterai à la garde de cette poterne, l’un de nos postes les plus importants.

— Va, — répondit le maire ; — nous demeurerons, nous autres, ici en permanence, afin d’aviser aux mesures à prendre.

Fergan et Colombaïk descendirent de la salle des échevins ; le messager du roi marchait au milieu d’eux. La foule courant aux armes venait d’abandonner la place ; quelques groupes seulement y restaient encore. Le petit Robin-Brise-Miche, à qui avait été confiée la garde de la monture du messager, s’était hâté de profiter de cette occasion d’enfourcher un cheval pour la première fois de sa vie, et se tenait triomphant sur la selle ; mais il en descendit au plus vite à la vue du carrier, et dit en lui remettant les rênes : — Maître Fergan, voilà le cheval, j’aime mieux être piéton que cavalier. Je cours chercher ma pique ; gare aux petits Épiscopaux si j’en rencontre ! — Et Robin-Brise-Miche se mit à courir en gambadant, en criant : — Commune !… commune !…

L’ardeur belliqueuse de cet enfant parut frapper peut-être plus vivement encore le messager royal que tout ce qu’il avait vu jusqu’alors ; il remonta sur son cheval escorté de Fergan et de son fils. Les tintements redoublés du beffroi retentissaient au loin. Dans toutes les rues que l’homme du roi traversa pour se rendre à la porte de la ville, les boutiques se fermaient à la hâte, et bientôt des figures de femmes, d’enfants, apparaissant aux fenêtres, suivaient d’un regard rempli d’anxiété l’époux et le père, le fils ou le frère, qui, sortant de la maison, se rendait en armes à l’appel du beffroi. Le messager royal, taciturne et sombre, ne pouvait cacher la surprise et la crainte que lui causaient l’agitation guerrière de ce peuple de bourgeois et