Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 7.djvu/278

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d’aujourd’hui qu’Aimery et moi nous avons pris part à la tendre affection que vous portez à votre frère.

Mylio, d’un ton respectueux et pénétré. — Karvel vient de me dire, madame, la reconnaissance que je vous dois. (Montrant Florette.) Cette chère enfant, épuisée de fatigue, était tombée mourante sur la route… et vous, votre digne frère et votre fils, vous avez…

La dame de Lavaur, interrompant Mylio. — Si l’accomplissement d’un devoir méritait une récompense, nous la trouverions dans le bonheur d’avoir secouru cette charmante enfant, qui va bientôt appartenir au frère de l’un de nos meilleurs amis !

Mylio, à Aimery en souriant. — Me laisserez-vous du moins, messire, vous remercier de votre bon vouloir pour moi et pour mon compagnon de voyage ? Vous étiez prêt, m’a dit Karvel, à monter à cheval, afin de venir nous délivrer.

Aimery. — Rien de plus simple ; Raoul de Montjoire est mon ami ; il a, comme nous tous, habitants du Languedoc, la gent monacale en aversion ; j’étais certain qu’à ma demande il vous remettrait en liberté, vous et votre joyeux compagnon, ce gros compère, dont les chants drôlatiques ont causé la bagarre.

Peau-d’oie, s’entendant appeler : drôlatique et joyeux compère, redouble de gravité, en songeant qu’il se trouve au milieu de gens plus ou moins parfaits, et répond. — Je supplie la noble dame, le noble sire et l’assistance de ne point me prendre pour un drôlatique compère… Mon chant, qui a causé la colère de ces tonsurés, était simplement le cri d’indignation d’un homme qui fut peut-être vertueux… mais qui certainement, mûri par l’expérience, sait que l’habit ne fait pas le moine, que la cruche ne fait pas le vin, que la gorgerette ne fait pas la gorge, que la cotte ne fait pas…

Mylio interrompt Peau-d’Oie d’un regard courroucé ; le jongleur se tait, se recule tout penaud, et, afin de se donner une contenance, il va tracasser dans les vases de cuivre placés sur le fourneau de distillerie. Mylio s’adresse à Aimery, qui, non plus que Karvel, n’a pu