Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/100

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de ces deux seigneurs de la suite du régent ? Vous les connaissez donc ?

Le paysan jeta un regard oblique et défiant sur l’écolier, resta muet et devint de plus en plus sombre.

— Ventre du pape ! — se dit Rufin-Brise-Pot, — j’ai là un singulier compagnon ; il reste muet ou il parle en énigmes. Il m’attriste, moi qui ne suis pas d’humeur chagrine ; il m’effraye, moi qui ne suis pas d’humeur poltronne !

Et l’écolier, accompagné de Guillaume Caillet, se dirigea vers le quartier de l’Université.




La maison d’Étienne Marcel était située près de l’église Saint-Huitace (Saint-Eustache), dans le quartier des Halles. La boutique, remplie de pièces de drap rangées sur des tablettes, située au rez-de-chaussée, communiquait avec une salle où l’on mangeait ; dans cette salle aboutissait un escalier conduisant à l’appartement du premier étage.

La nuit venue, le magasin fermé, Marguerite, femme de Marcel, et Denise, sa nièce, étaient remontées dans l’une des chambres du premier étage, où elles s’occupaient d’un travail de couture à la clarté d’une lampe. Marguerite est âgée de quarante-cinq ans environ ; elle a dû être belle ; son visage est doux, pensif et grave. Sa nièce Denise touche à sa dix-huitième année ; son gracieux visage, habituellement d’une sérénité candide, semble ce soir-là profondément attristé. Depuis quelques instants, les deux femmes, diversement absorbées, sont silencieuses. Denise, la tête baissée, ralentit peu à peu le mouvement de son aiguille ; bientôt ses mains retombent sur ses genoux et des larmes coulent de ses yeux ; Marguerite, non moins rêveuse que sa nièce, lève machinalement son regard vers la jeune fille, et, remarquant ses pleurs, lui dit avec tendresse :

— Pauvre enfant ! je devine la cause de ton chagrin ; car je con-