ciale, son coup d’œil soupçonneux, révélaient sa répulsion pour ce personnage, auquel il dit : — Je ne m’attendais pas à recevoir cette nuit dans ma maison le roi de Navarre.
Charles-le-Mauvais (c’était son surnom mérité) répondit en souriant et de sa voix insinuante, l’un de ses charmes les plus perfides : — Les rois ne se visitent-ils pas entre eux ? Quoi d’étonnant à ce que Charles, roi de Navarre, vienne visiter Marcel, roi du peuple de Paris ?
— Sire, — répondit Marcel avec impatience, — que me voulez-vous ?
— Tu es bref dans tes paroles !
— Bref est le langage des affaires ; et d’ailleurs, il est bon de mesurer les paroles qu’on vous dit.
— Tu te défies donc toujours de moi ?
— Toujours et beaucoup.
— J’aime ta franchise.
— Sire… au fait que voulez-vous ?
Charles-le-Mauvais resta un moment silencieux ; puis, attachant hardiment son œil de vipère sur le prévôt des marchands, il répondit lentement en pesant sur chacun de ses mots : — Ce que je veux, Marcel ? Je veux être roi des Français !… Cela t’étonne ?
— Non, — répondit le prévôt des marchands avec un sang-froid qui stupéfia d’abord Charles-le-Mauvais ; — tôt ou tard vous deviez en venir à cette ouverture.
— Tu prévois les choses de loin… Et cette prévision, quand t’est-elle venue ?
— Lorsque j’ai vu votre créature Robert-le-Coq, évêque de Laon, se jeter avec ardeur dans le parti populaire, et se montrer l’un des plus fougueux ennemis du roi Jean, dont vous avez épousé la fille…
— Cependant, si j’ai bonne mémoire, tu t’es fort servi de l’influence de l’évêque de Laon sur les États-généraux pour leur faire accepter ta fameuse ordonnance de réformes.