Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/136

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L’accent du prévôt des marchands était si sincère, la loyauté de sa parole si généralement reconnue, même par ses ennemis, que, cédant à la fois à un sentiment de dignité royale et à la confiance que lui inspirait la promesse de Marcel, le jeune prince sortit de derrière ses rideaux, enhardi d’ailleurs par la présence des gens de cour et par l’attitude en apparence impassible des gens armés qui venaient d’envahir le Louvre :

— Me voici, — dit le régent en faisant quelques pas à la rencontre de Marcel, et pouvant à peine, malgré sa profonde dissimulation, cacher la colère qui succédait chez lui à l’épouvante ; — que me veut-on ?

Marcel se retourna vers les hommes armés dont il était suivi, leur demanda du geste et du regard de rester silencieux et de ne pas dépasser la porte de la chambre royale où il entra seul ; le régent, après s’être consulté pendant quelques instants à voix basse avec ses courtisans, reprit d’une voix de plus en plus rassurée en s’adressant au prévôt des marchands : — Ton audace est grande !… entrer en armes dans mon palais !…

— Sire ! depuis longtemps je vous ai en vain demandé par lettres une audience ; j’ai dû forcer vos portes pour vous faire entendre, au nom du pays, un langage d’une sincérité sévère…

— Finissons, — dit le régent avec impatience. — Que veux-tu ?

— Sire ! d’abord l’accomplissement loyal des ordonnances de réformes que vous avez signées et promulguées. Ces réformes peuvent seules sauver le pays…

— On t’appelle le roi de Paris, — répondit le régent avec un sourire amer et sardonique. — Eh bien ! règne… sauve le pays !… N’es-tu pas tout-puissant ?

— Sire ! la voix de l’Assemblée nationale a été écoutée à Paris et dans quelques grandes villes ; mais vos partisans et vos officiers, souverains dans leurs seigneuries, ou dans les pays qu’ils gouvernent en votre nom, se liguent pour empêcher l’exécution des lois dont