Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/187

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elle siégeait. Le vieux seigneur s’interrompit brusquement de chanter et dit à Gloriande avec surprise :

— Qu’as-tu, chère fille ?

— Je ne sais, mon père… mais j’éprouve une sorte d’éblouissement ; je voudrais me retirer chez moi.

— Ma bien-aimée Gloriande, — dit vivement le sire de Nointel en se levant, — souffrez que je vous accompagne…

— Oui, je vous en prie, Conrad… je prendrai un peu l’air à la fenêtre de notre chambre ; il me semble que cela me fera du bien…

— Allons, — reprit tristement le seigneur de Chivry, — je recommencerai ma chanson au repas de demain matin. — Puis il ajouta : — Que les damoiselles d’honneur de l’épousée veuillent bien l’accompagner, selon l’usage, jusqu’à la porte de la chambre nuptiale.

À ces mots, plusieurs jeunes damoiselles quittèrent à regret les chevaliers auprès de qui elles étaient assises, et entourèrent la mariée, tandis que Conrad faisait le tour de la table immense pour aller rejoindre sa femme, et que deux pages allaient ouvrir la porte de la chambre des époux, brillamment éclairée par des flambeaux de cire parfumée. Au fond l’on apercevait le lit nuptial, surmonté d’un dais armorié et à demi entouré de rideaux de tapisserie scintillante de fils d’argent ; mais voici que soudain Gérard de Chaumontel, de plus en plus ivre, se hissant sur son siége, se met à crier :

— Nobles dames et damoiselles, je demande à vous prouver que je suis un homme… — Et comme de grands éclats de rire accueillirent ces paroles du chevalier, il reprit en souriant d’un air satisfait : — Laissez-moi donc achever… Donc, je demande à vous prouver ainsi qu’à vous, messires, que je suis un homme… de divination singulière !

— Voyons… prouvez, — reprit gaiement l’assistance, — prouvez-nous cela, chevalier ! Nous écoutons !

— L’an passé, — reprit Gérard, — lors du tournoi de Nointel, où vous assistiez tous et où Jacques Bonhomme a osé regimber, Conrad