Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/232

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aussitôt deux traits lancés par des archers volent, sifflent, disparaissent à travers l’ouverture de la fenêtre… un gémissement lugubre et un cri de mort s’élèvent de l’intérieur de la maison. Les deux archers garnissent leurs arcs de nouveaux traits ; ils exécutent leurs ordres : défense a été faite aux bourgeois de la ville habitant les demeures voisines de la place de paraître à leurs fenêtres durant le supplice des trois chefs de la Jacquerie. Tous trois arrivent près de l’échafaud.

Mahiet, haletant, la figure baignée d’une sueur froide, saisi d’horreur, de désespoir à la vue de ce spectacle, sent son esprit se troubler ; il se croit obsédé par un songe effrayant… Il distingue les figures, il entend la voix de Mazurec, d’Adam et de Guillaume échangeant un suprême adieu au pied de l’échafaud, pendant que, sur la plate-forme, les bourreaux s’occupent des derniers préparatifs du supplice… Guillaume Caillet, prenant les mains d’Adam et de Mazurec, s’écrie d’une voix forte qui parvient aux oreilles de l’Avocat d’armes :

— Hardi, mes Jacques ! hardi jusqu’à la fin !… Adam, ta femme est vengée !… Mazurec, notre Aveline est vengée ! nos parents, nos amis étouffés, brûlés dans le souterrain de la forêt de Nointel sont vengés !… Le bourreau va nous torturer, nous mettre à mort, qu’importe ? Notre mort ne les fera pas revivre ces belles dames, ces nobles seigneurs tombés sous nos coups au milieu de leur bonheur ! Leur agonie a été furieuse, ils regrettaient la vie… nous ne la regrettons pas, nous, notre vie de misères et de larmes ! Oh ! Jacques Bonhomme, tu t’es laissé martyriser pendant des siècles… la Jacquerie t’a vengé !… Un jour, d’autres achèveront ce que nous avons commencé !… Hardi, mes Jacques ! hardi jusqu’à la fin !…

— Oh ! Jacques Bonhomme, tu t’es laissé martyriser pendant des siècles… — répètent Adam et Mazurec en levant le poing vers le ciel dans un élan d’exaltation farouche ; — la Jacquerie t’a vengé !… D’autres achèveront ce que nous avons commencé !… Hardi, mes Jacques ! hardi jusqu’à la fin !…