Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/242

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— Je sais que dans Paris il y a et il y aura toujours des méchants, des ingrats, des envieux.

— Je vous connais trop bien, dame Marcel, pour supposer qu’une sage et discrète personne comme vous l’êtes veuille m’adresser le reproche d’être une envieuse…

— En vérité, je n’oserais, madame… je n’oserais, en vérité…

— Vous auriez grandement raison ; je vous le demande un peu, en quoi votre sort est-il à cette heure digne d’envie ?

— Les envieux se contentent de peu, dame Maillart ; ils envient jusqu’au calme et au courage que l’on puise dans une conscience pure au jour du malheur !…

— Enfin ! vous l’avouez !… le jour du malheur est venu pour vous et pour votre mari ! — s’écria la femme de l’échevin, triomphante de haine et oubliant un moment ses dehors hypocrites ; mais, se ravisant, elle ajouta d’un ton patelin : — Cet aveu, dont je suis désolée, me fait du moins espérer que vous agréerez les offres de service de mon mari ?

Marguerite, sentant la gravité des dernières paroles de la femme de l’échevin, attacha sur elle un regard pénétrant et répondit :

— Ah ! maître Maillart vous envoie offrir ses services à mon mari ?

— Ne sont-ils pas amis d’enfance et compères ? L’on n’oublie jamais l’amitié des jeunes années !

— Il en est ainsi du moins chez les cœurs généreux. Mais si maître Maillart veut rendre service à mon mari, d’où vient qu’il vous envoie ici, madame ?… Ne voit-il pas Marcel à l’Hôtel de ville ?

— Depuis hier soir, Maillart et ses amis n’ont pas mis les pieds à l’Hôtel de ville… et pour cause ; il ne saurait non plus, par une autre cause, venir ici. Voilà pourquoi il m’a chargée de venir vous offrir ses conseils et ses services

— Enfin, madame, quels sont ces conseils… ces services ?

— Maillart conseille à votre mari de quitter secrètement Paris cette nuit même.