Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/273

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Une heure du matin venait de sonner ; la lune, au moment de disparaître à l’horizon, jetait encore assez de clarté pour argenter d’une frange de vive lumière les derniers créneaux des deux hautes tours qui défendaient la porte Saint-Antoine, vers laquelle Étienne Marcel, accompagné de Philippe Giffart, échevin, et de Mahiet, se dirigeait tenant à la main deux lourdes clefs ; les autres magistrats et un groupe de leurs partisans étaient, sur l’invitation du prévôt des marchands, restés dans une maison voisine des remparts. Le plus profond silence régnait aux abords d’une large et sombre voûte conduisant à la porte de la ville. Un homme tenant un cheval par la bride suivait Marcel à quelque distance.

— Le moment est décisif, — disait-il à ses compagnons. — Si Charles-le-Mauvais est venu à notre rendez-vous, il nous reste une chance de succès… sinon, je monte à cheval, et je vais au camp de Charenton me livrer au régent…

Le prévôt des marchands achevait à peine de prononcer ces paroles, lorsque les deux factionnaires postés en dehors de la voûte obscure sous laquelle il allait s’engager crièrent : Montjoie au roi et au duc ! À ce cri de ralliement du parti de la cour, Marcel, à l’incertaine clarté sidérale, voit Jean Maillart sortir du noir passage qui conduisait à la porte. À l’aspect de son ancien ami, dont il sait l’infâme trahison, le prévôt des marchands s’arrête indigné, ne pouvant, non plus que Mahiet et Philippe Giffart, remarquer, à travers la demi-obscurité, l’attitude de Maillart, qui tenait sa main droite cachée derrière son dos.

Marcel, — dit l’échevin d’un ton impérieux, — Marcel, que faites-vous ici à cette heure ?

De quoi vous mêlez-vous ? — répond Marcel avec dégoût et mépris. — Je suis ici pour veiller à la sûreté de la ville dont j’ai Ie gouvernement.

Pardieu ! — s’écrie Maillart en se rapprochant insensiblement du prévôt des marchands, — pardieu ! vous n’êtes ici pour rien de