Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/286

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cher en Bretagne avec une faux d’argent. — Il moissonnera nos champs avec une faucille d’or. — Voudraient-ils savoir ces Français si les Bretons sont manchots ? — Voudrait-il apprendre le seigneur roi frank s’il est homme ou Dieu ? »




— « Les loups de l’Armorique grincent des dents en entendant le ban de guerre. — Écoutez-les hurler de joie à l’odeur du sang français. — On verra bientôt dans les chemins le sang couler comme de l’eau. — Oui, couler si bien, que le plumage des cygnes qui y nageront deviendra rouge comme braise. — On verra plus de tronçons de lances épars sur le champ de bataille, que l’on ne voit de rameaux sur terre dans la forêt après l’ouragan. — Là où les Français tomberont, ils resteront couchés jusqu’au jour du jugement. — Jusqu’au jour où ils seront jugés et châtiés avec Bertrand Duguesclin, le traître, qui commande l’attaque. — La pluie d’orage sera l’eau bénite qui arrosera leurs tombes (H). »




Il est beau, n’est-ce pas, ce bardit, fils de Joel ? On y sent frémir, palpiter encore la haine du Breton contre le conquérant. Aussi, malgré la valeur de Duguesclin, Charles V ne put joindre la Bretagne à son royal domaine. Si abâtardie, si opprimée qu’elle fût par l’Église de Rome et les seigneuries, la vieille Armorique Gauloise témoigna une fois de plus son horreur de la race franque.

Ô fils de Joel, ceux d’entre vous qui, plus heureux que moi et nos aïeux, absents de Bretagne depuis le temps où vivait Gomer, fils de Vortigern, ceux d’entre vous qui reverront cet antique berceau de notre famille salueront avec respect ces pierres sacrées de Karnak, témoins séculaires du sacrifice d’Hêna, la vierge de l’île de Sèn, s’offrant en holocauste pour le salut de la patrie, envahie par l’armée de Jules César ; ils n’oublieront pas qu’un barde breton Myrdin (Merlin) a prédit, il y a des siècles, que la Gaule serait délivrée de l’oppres-