Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/291

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l’humanité, sont foulés aux pieds par la noblesse et par la royauté. Mais patience, fils de Joel, patience ! ne désespérez pas, ne désespérez jamais du succès de la cause dont Étienne Marcel a été l’un des héros, l’un des martyrs. L’ivresse de cette royauté, gorgée d’or et de sang, aura, quelques années plus tard, un réveil terrible ; vous verrez une nouvelle insurrection éclater, une nouvelle lutte s’engager ; d’effroyables représailles frapperont nos ennemis séculaires, un nouveau pas sera fait vers l’affranchissement de la Gaule !

Les cités en deuil, appauvries, ruinées, décimées, n’étaient pas les seules à souffrir. Le duc de Berry, oncle de Charles VI, accablait le Languedoc d’impôts ; les paysans, poussés à bout, se soulevèrent et commencèrent une seconde Jacquerie, dont les Tard-Venus avaient été les précurseurs. Ces nouveaux Jacques du Languedoc prirent le nom de Tuchins. Ils s’allièrent aux bourgeois des villes du Midi pour courir sus aux châteaux ; des torrents de sang coulèrent encore des deux côtés : Jacques Bonhomme sut encore se venger des seigneuries. Au mois de juillet 1385, Charles VI, plongé depuis longtemps dans des excès honteux et précoces, contracte un mariage digne de lui : il épouse Isabeau de Bavière, monstre femelle dont les débordements, dont les forfaits doivent rappeler ceux de Frédégonde et de Brunehaut. La Gaule est toujours mise à feu, à sac et à sang par les Anglais ; leurs garnisons de Calais, de Cherbourg, ravagent le nord et l’ouest de notre malheureux pays. Leurs troupes, cantonnées en Saintonge, en Guyenne, en Poitou, ravagent le midi ; la guerre contre le roi de Castille et les Flamands, de nouveau insurgés contre leur duc, épuise les dernières ressources créées par des impôts exorbitants. Charles VI, las de partager avec ses oncles le profit des rapines organisées par ordonnances royales, s’affranchit de tutelle en 1388, veut régner par lui-même et se livre dès lors à un faste inouï et à son goût désordonné pour les plaisirs ; énervé par ses débauches, exalté, puis hébété par le vertige du pouvoir absolu, sa raison s’ébranle, et, à peine âgé de vingt-trois ans, il est atteint, en 1391,