Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/299

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ment et bénissent l’Anglais conquérant du royaume, ainsi que jadis l’Église romaine avait acclamé, béni, sacré, consacré le brigand Clovis conquérant des Gaules. Le peuple et la bourgeoisie, écrasés d’impôts, découragés, ayant perdu leur plus généreux sang durant les deux dernières révolutions, assistent consternés au démembrement de Ia mère-patrie ; la défaillance gagne les plus fermes cœurs, et, en haine de la royauté française, on se résigne à la domination anglaise, à ses hontes, à ses horreurs. En 1422, le roi d’Angleterre meurt, laissant son fils, enfant, sous la tutelle du régent, le duc de Bedfort ; deux mois après, Charles VI, le roi idiot, meurt aussi. Son fils Charles VII, dépossédé de la couronne de France, ne règne plus que sur la Touraine et le Berry ; les Anglais se préparent à envahir ces provinces, afin d’être maîtres de la Gaule entière, ils s’avancent vers la Loire. Charles VII, lâche, insouciant, débauché, résigné d’avance à la perte de sa couronne, voyageait avec ses maîtresses de Tours à Bourges, et de Bourges à Chinon. Une dernière bataille (dite la bataille des harengs), perdue contre les Anglais en 1428, leur livrait le pays jusqu’à Orléans ; ils mettent le siége devant cette cité. Jamais la Gaule n’avait été plus épuisée, plus misérable, plus ravagée, plus dépeuplée. Depuis Laon jusqu’à la frontière d’Allemagne, il ne restait pas un village debout ; tous les champs étaient depuis longues années envahis par les bois, par les broussailles ; les loups prenaient possession du pays, venaient hurler aux portes des bourgs et des villes fortifiées, seuls lieux habités au milieu de ces campagnes désertes.

En ces extrémités terribles, Jeanne Darc apparut comme l’ange sauveur de la patrie. Lisez la légende de Jeanne, fils de Joel ; je l’ai écrite à Vaucouleurs, après avoir souvent et soigneusement interrogé tous ceux qui connaissaient l’héroïque paysanne depuis son enfance. J’ai été témoin de son agonie, de son supplice… pauvre victime de l’ingratitude royale ! pauvre martyre de l’Inquisition !…