Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/307

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rête pour contempler l’objet qu’il croit voir ou pour répondre aux voix qu’il croit entendre.

» Les hallucinations se retrouvent fréquemment chez les personnes atteintes de mélancolie, de manie, d’extase, d’hystérie ; celle-ci le plus fréquemment provoquée chez les femmes par la suppression du flux périodique.

» Les hommes les plus remarquables par la capacité de leur intelligence, par la force de leur esprit, ne sont point à l’abri du phénomène de l’hallucination, souvent causée chez eux par une forte contention d’esprit (p. 71).

» Ainsi un halluciné entend parler, interroge, répond, tient une conversation suivie, et personne ne lui parle, nulle voix n’est à sa portée, tout autour de lui est dans un profond silence…

» Un autre voit le ciel ouvert et contemple Dieu face à face… Darwin raconte qu’un étudiant qui jusque-là avait toujours joui d’une bonne santé rentre chez lui, assurant ses camarades qu’il mourrait dans trente-six heures ; Hufeland le guérit, et ce jeune homme lui avoua que la veille il avait vu une tête de mort et entendu une voix qui lui avait dit : Tu mourras dans trente-six heures.

» Une fille très-préoccupée des malheurs du temps voit Dieu sous la figure d’un vieillard à barbe blanche, qui lui dévoile l’avenir et lui ordonne d’en informer le chef du gouvernement.

» J’ai vu à la Salpétrière une femme à qui Jésus-Christ apparaît chaque soir, sous la figure d’un beau jeune homme brun ; toutes les nuits les plus belles étoiles viennent éclairer sa demeure ; elle sent l’oranger, le jasmin. Jésus-Christ lui promet les plus grandes prospérités pour la France… et une rente pour elle-même (p. 65).

» Les sensations des hallucinés sont des idées, des images reproduites par la mémoire, rendues visibles par l’imagination, personnifiées par l’habitude ; l’homme en cet état donne un corps aux produits de son entendement, il rêve éveillé. Mais chez celui qui rêve, les idées de la veille se continuent souvent pendant le sommeil ; tandis que l’halluciné achève son rêve après le sommeil. L’halluciné n’est jamais surpris des images qu’il croit voir ; leur conviction à ce sujet est si entière, si franche, qu’ils raisonnent, jugent et se déterminent en conséquence de leur hallucination.

» J’ai connu des hallucinés qui, après leur guérison, me disaient : — J’ai vu, j’ai entendu aussi distinctement que je vous vois et que je vous entends (p. 68). Ils racontent leurs visions avec un sang-froid qui n’appartient qu’à la conviction la plus intime.

» J’ai donné des soins à un ancien négociant qui, après une vie très-active, fut frappé de la goutte sereine. Quelques années plus