Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 8.djvu/97

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au loin les chants lugubres que le clergé psalmodie pour les enterrements, et, de temps à autre, retentissait une plaintive sonnerie de clairons. À ce bruit, au lieu de courir avec empressement au devant du convoi, ainsi qu’avait fait la foule lors du passage du cercueil de Perrin Macé, les passants rétrogradaient et les habitants de la rue fermaient leurs portes.

— Pardieu ! — dit l’écolier, — le hasard nous sert à souhait ; vous venez de voir honorer par le prévôt des marchands et par le peuple les cendres de Perrin Macé ; vous allez voir honorées les cendres de Jean Baillet, cause première de la sanglante iniquité dont Paris s’est indigné ; oui, honorées par le régent et par sa cour… Venez, venez ; sans doute le cortége reconduit le cercueil au couvent des Augustins.

Et l’écolier hâtant sa marche, suivi du paysan et de quelques rares curieux, ils atteignirent l’angle de la rue Montmartre et de la rue Quoque-Héron, en face de laquelle se trouve l’entrée du couvent des Augustins, dont les portes s’ouvrirent pour recevoir le cercueil.

— Voyez, — dit l’écolier à Guillaume, — rien de plus significatif que le contraste offert par ces deux enterrements : à celui de Perrin Macé se pressait un peuple immense, grave, recueilli dans sa juste indignation ; à l’enterrement de Jean Baillet assistent seulement le régent, les princes ses frères, les courtisans et les officiers ou serviteurs de la maison royale ; mais de peuple, point !… Non, non, il fait le vide autour de cette manifestation royale, jetée comme un défi à la manifestation populaire. Dites, ami, l’aspect même de ces deux convois ne parle-t-il pas aux yeux ? À l’enterrement de Perrin Macé, c’était une innombrable multitude de bourgeois, d’artisans simplement ou pauvrement vêtus ; au convoi de Jean Baillet, c’est une poignée de courtisans, d’officiers ou de serviteurs splendidement parés de soie, de velours, de brocart d’or et d’argent ou de livrées splendides. Ici la cour, c’est-à-dire la magnificence, l’oisiveté, la tyrannie ; là-bas le peuple, le peuple immense, pauvre, industrieux, laborieux, forgeant et dorant les armes somptueuses de ses maîtres,