que nourriture dans cette retraite, L’innocence de Bruyère a été si évidente, que l’accusation d’infanticide est tombée d’elle-même.
— Et maintenant où est-elle, la pauvre enfant ? — demanda Bamboche.
— Auprès de ma mère et de M. Duriveau, — répondit Martin.
— Allons, son sort ne m’inquiète plus, — dit le condamné d’une voix légèrement émue, — et elle ne sait… rien… de moi, n’est-ce pas ?
— Rien… ma mère… la comble de soins… de tendresse pendant ses moments lucides…
— Comment ! — dit Basquine, — la folie… de ta pauvre mère ?…
— Après une crise léthargique, tellement prolongée qu’on l’a crue morte… — reprit Martin, — ma mère est revenue à la vie… mais sa raison, à peine raffermie, s’est altérée de nouveau… moins gravement, il est vrai, que par le passé… Maintenant… son aberration consiste à rester quelquefois un jour entier dans un état de morne stupeur, pendant laquelle, insensible à tout ce qu’on lui dit, elle ne prononce pas une parole. Ces accès passés, — reprit Martin, — elle revient à son bon sens.
— Et ton père ?… — demanda Basquine.
— En huit jours, ses cheveux sont devenus blancs, — dit Martin ; — il a pour jamais quitté Paris, il a fait transporter en Sologne le corps de Scipion… et depuis… M. Duriveau n’a pas quitté le pays… où il se fixe pour toujours.
— Et maintenant, comment est-il pour toi ? — dit Bamboche, — pour ta mère ?
— Il a fait publier les bans de son mariage avec elle, — dit Martin.
— Quoique l’esprit de ta pauvre mère ne soit pas encore remis ? — dit Basquine étonnée.
— Oui… — répondit Martin. — « Ma cruauté lui a fait perdre la raison, — a dit M. Duriveau, — je dois tâcher de la lui rendre à force de soins affectueux… Je l’ai déshonorée… je dois lui rendre l’honneur en lui donnant mon nom. »
— Quel changement ! — dit Basquine avec un sourire amer, et elle ajouta : — Et Madame Wilson ?
— Elle est partie en Angleterre avec sa fille… — répondit tristement Martin, — mais il lui reste peu d’espoir de conserver cette infortunée… Raphaële se meurt…