Page:Sue - Les mystères de Paris, 1ère série, 1842.djvu/95

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ner des Anglais ou des Prussiens, ça m’aurait bien autrement flatté que de chouriner des rosses… Mais, voilà le malheur, il n’y avait pas de guerre, et il y avait la discipline… Un apprenti essaie de communiquer une raclée à son bourgeois, c’est bien : s’il est le plus faible, il la reçoit ; s’il est le plus fort, il la donne ; on le met à la porte, quelquefois au violon, il n’en est que ça. Dans le militaire, c’est autre chose. Un jour mon sergent me bouscule pour me faire obéir plus vite ; il avait raison, car je faisais le clampin ; ça m’embête, je regimbe ; il me pousse, je le pousse ; il me prend au collet, je lui envoie un coup de poing. On tombe sur moi ; alors la rage me prend, le sang me monte aux yeux, j’y vois rouge… j’avais mon couteau à la main, j’étais de cuisine, et allez donc… Je me mets à chouriner… à chouriner… comme à l’abattoir. J’entaille[1] le sergent, je blesse deux soldats !… une vraie boucherie !… onze coups de couteau à eux trois… oui, onze !… du sang… du sang comme dans un charnier !…

  1. Je tue.