Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/312

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le Meg des megs (Dieu) devrait faire les gueux, c’est-à-dire, sans froid, ni faim, ni soif : ça ne lui coûterait rien, et ça ne coûterait pas tant aux gueux d’être honnêtes. »

Quand par hasard le coupable qui a subi sa peine trouve dans les plus vils et les plus pénibles travaux, les seuls qui lui soient permis par l’absence d’ouvriers, de quoi gagner un salaire de quinze à vingt sous par jour, il lui faut là-dessus subvenir à tous ses besoins, peut-être à ceux d’une famille !… N’est-ce pas une chose horrible à penser ! et cependant le moindre délit, le vol d’un pain qu’attendent peut-être à la nuit tombante ses enfants pour leur premier repas, peut lui ouvrir les portes de la prison, et la prison pour lui, c’est un morceau de pain matin et soir, et un toit pour s’abriter.

« Rodolphe sentit que le pauvre qui restait honnête au milieu des plus cruelles privations était doublement respectable, puisque la punition du crime pouvait devenir pour lui une ressource assurée…

» Dame ! tu penses, dans la prison… j’avais à manger ; on ne me battait pas, c’était pour moi un paradis auprès du grenier de la Chouette. »

Voilà ce que dit M. Sue, et, quoiqu’elle soit triste et amère, cette parole n’en est pas moins une vérité. Oui, il est, de par le monde, des misères si lourdes, si affreuses, qu’on leur préfère la prison, et, en effet, la paille d’un cachot est plus chaude que le pavé de la rue, et le pain noir de la geôle vaut mieux que le jeûne du vagabondage.

Plus loin, M. Sue aborde une question d’une aussi haute importance.

« L’homme qui vit honnête au milieu des gens honnêtes, encouragé par leur estime, mérite inté-