Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/314

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elle me ferait arrêter comme voleuse… Je lui appartiens… il faut que je m’acquitte !!!… »

Voilà ce qu’on ne sait peut-être pas assez, que ces malheureuses filles, folles de leur corps, une fois tombées dans la fange, ne peuvent plus se relever ; elles ont abaissé leur pudeur sous un joug qui, chaque jour, devient plus pesant. Et ici il est bon de dire que rarement cet oubli de la sainte pudeur a été une chose calculée. Encore et toujours la misère. On a cédé à un premier amour, un père pour châtier une première faute a maudit et chassé la coupable. Deux seules portes lui sont ouvertes : la prostitution et le suicide, deux crimes : on ne meurt pas à seize ans ; si obscur que soit votre ciel, l’illusion y glisse toujours un rayon d’espérance. Il ne reste donc que la prostitution, et alors d’infâmes marchés se passent où l’on est lié pieds et poings. On est sur la pente, il faut tomber, et il ne reste plus à ces pauvres déchues qu’à murmurer avec Fleur-de-Marie :

« Cela vous étonne que j’aie de la honte… pour après ma mort… Hélas ! mon Dieu… on ne m’a laissé que celle-là. »

Avant de clore ce premier article, constatons l’immense succès obtenu par les Mystères de Paris. Le grand monde, le monde que M. Walewski a voulu nous peindre au Théâtre-Français, s’est emparé des expressions argotiques en usage au tapis-franc, et il n’est en rien étonnant d’entendre dans un noble salon quelque grande dame demander à ses amies :

« Mes goualeuses, ne nous goualerez-vous pas une de vos goualantes. »

S’il nous était donné à nous, pauvre bohémien de la littérature, d’égarer nos gros souliers sur les tapis de ces salons, nous dirions à ces dames : Riez de l’ori-