Page:Sue - Les mystères de Paris, 10è série, 1843.djvu/358

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a perdu tout contact avec eux ; oui, il se glorifie de ses crimes, et cela est juste ! au milieu de ses pareils, qui est le plus vicié est le plus estimé ; ainsi que la vertu, le crime a ses degrés et le coupable a son orgueil comme l’homme de bien. Le remords ne peut faire entendre sa voix, tant sont bruyants les applaudissements de la chambrée. Le criminel s’exalte, s’enivre à ces témoignages d’approbation et, « à peine emprisonné, il médite de nouveaux forfaits. Quoi de plus logique ? s’il est découvert, arrêté derechef, il retrouvera le repos, le bien-être matériel de la prison et ses joyeux, ses hardis compagnons de crimes et de débauche… » Bien des lecteurs ne comprendront point ces paroles, s’ils ont devant les yeux ces geôles sombres de mélodrames où le condamné, retenu à un poteau par une chaîne de fer, est à moitié couché sur de la paille fétide, ayant à ses côtés une cruche d’eau et un morceau de pain noir.

Mais le prisonnier est, au contraire, bien couché dans un dortoir chaud l’hiver, aéré l’été ; sa nourriture est saine et abondante, et il peut aisément gagner 40 à 50 centimes par jour. Quel ouvrier reste en possession d’une pareille somme quand il lui a fallu sur son salaire quotidien prélever le prix d’un repas chétif et d’un mauvais gîte ? Comme le dit M. Sue, le criminel retournera donc à la geôle sans regret et même avec contentement.

« Sa corruption est-elle moins grande que celle des autres, manifeste-t-il, au contraire, le moindre remords, il est exposé à des railleries atroces, à des huées infernales, à des menaces terribles. »

En effet, le prisonnier qui semblerait, devant ses compagnons, se repentir de sa vie passée, ne pourrait résister long-temps à leurs moqueries ! Les me-