Page:Sue - Les mystères de Paris, 8è série, 1843.djvu/5

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le lui donnais-tu ?… pourquoi ne le cachais-tu pas ?

— Je le cachais ; mais il me battait tant… que j’étais bien obligée de le lui donner… C’était moins à cause des coups que je lui cédais… que parce que je me disais : À la fin il n’a qu’à me blesser assez grièvement… pour que je sois hors d’état de travailler de long-temps, qu’il me casse un bras je suppose, alors qu’est-ce que je deviendrai… qui soignera, qui nourrira mes enfants ?… Si je suis forcée d’aller à l’hospice, il faudra donc qu’ils meurent de faim pendant ce temps-là ?… Aussi tu conçois, mon frère, j’aimais encore mieux donner mon argent à mon mari, afin de n’être pas battue, blessée… et de rester bonne à travailler.

— Pauvre femme, va !… on parle de martyrs, c’est toi qui l’as été, martyre !…

— Et pourtant je n’ai jamais fait de mal à personne, je ne demandais qu’à travailler, qu’à soigner mon mari et mes enfants ; mais que veux-tu, il y a des heureux et des malheureux, comme il y a des bons et des méchants.

— Oui, et c’est étonnant comme les bons