Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/112

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laient ses yeux ; alors le front un peu incliné, sa petite main toujours plongée dans son épaisse chevelure, son coude appuyé sur son genou, elle nous observa d’un air étonné, curieux et inquiet.

Le charron, toujours à l’agonie, ne s’aperçut pas de notre arrivée ; seulement, de temps à autre, rapprochant de lui sa petite fille, il répétait d’une voix affaiblie et effrayée :

L’homme… l’homme

La crainte de la Levrasse poursuivait le père de Jeannette dans son délire comme une idée fixe.

La femme du charron reconnut mon maître.

À sa vue, levant les mains et les yeux au ciel avec un mélange d’angoisse et d’espérance, elle s’écria :

— Ah ! bonne sainte vierge !! c’est l’homme !…

Tandis que les enfants, toujours groupés ensemble, tournaient vers nous leurs figures étonnées, la Levrasse ferma doucement la porte, mit son doigt sur ses lèvres d’un air mystérieux, prit de mes mains le panier de provisions, et avisant une table, il y déposa le dindon rôti, le pâté, le pain et le vin… bien en évidence…

À la vue de ces comestibles, les enfants affamés se précipitèrent tumultueusement vers la table, les plus grands culbutant les plus petits…

La Levrasse les arrêta court du geste et du regard, et leur dit :

— Un moment… ces bonnes choses ne sont pas encore à vous… Il dépend de votre mère de vous les donner.

— Comment !… — s’écria la femme du charron.

Mon maître, sans répondre, recommanda de nou-