Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/178

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tueusement devant la mère Major, afin de lui proposer galamment de commencer par tirer le mur.

Ce prévôt était un petit grison sec et maigre, leste et preste, coquettement vêtu de son gilet d’armes et d’un pantalon de tricot blanc, sur lequel tranchaient merveilleusement ses belles sandales de maroquin rouge ; sans doute ce digne homme ne pouvait pas se targuer d’avoir eu pour professeur l’illustre Bertrand, lui qui a su (ainsi que je l’ai entendu dire à l’un de mes maîtres), allier la grâce, la noblesse de l’académie classique à ce qu’il y a de plus foudroyant dans les fantaisies de l’escrime ; lui, qui, chose rare ! donne au fer une puissance nouvelle… en lui imprimant celle du raisonnement, du calcul et de la pensée. Cependant le petit prévôt ne s’était pas montré sans grâce et sans fermeté, lorsqu’il était tombé en garde devant la mère Major ; mais alors la mégère, furieuse de voir échapper Basquine à sa haine, et ravie de pouvoir assouvir sa colère sur quelqu’un, saisit le masque, le gant, le plastron et le fleuret, déposés sur une table, et, tombant en garde à son tour, se mit à charger le malheureux petit prévôt avec la furie d’un ouragan, redoublant sans attendre la riposte, bourrant, comme on dit, avec un emportement si enragé, qu’après avoir brisé dans un corps à corps son fleuret sur la poitrine du petit prévôt, et se voyant désarmée, l’Alcide femelle, dans sa fureur aveugle, continua de s’escrimer de ses poings énormes, de sorte que l’assaut d’escrime finit par le pugilat.

Ce fut à grand peine, et aux rires redoublés du public, qu’on arracha le petit prévôt meurtri et contus aux terribles mains de la mère Major ; la représenta-