Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/21

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J’avais bon courage… Est-ce qu’on m’en a donné, du travail ? Non. Est-ce que les loups travaillent ? Qui est-ce qui s’est inquiété de moi ? Personne… Tant pis : quand le loup a faim, il mange… travailler ! ah bien oui !… la Levrasse et la mère Major ne travaillent pas ; ils volent des enfants comme nous, ils nous tortillent les membres, nous ruent de coups et nous font danser en public comme des chiens savants, et à ce métier-là ils mangent gras tous les jours et remplissent leur tire-lire… Et si jamais je trouve leur tire-lire, sois tranquille, nous rirons ; ne t’inquiète donc pas. Si je n’attendais pas Basquine,… — et les yeux de Bamboche étincelèrent ; sa robuste et large poitrine se gonfla en prononçant ce nom, — nous serions loin, mais un peu de patience… et tu verras la bonne vie à nous trois avec elle ! libres et gais comme des oiseaux et picorant comme eux. Avec ça qu’ils demandent la permission aux autres, de prendre où ils peuvent ce qu’il leur faut pour vivre, et bien vivre, hein ? Qu’est-ce qu’il aurait répondu à cela, ton vieux serin de Limousin ?

— Dam !… écoute donc, Bamboche, nous ne sommes pas des oiseaux.

— Sommes-nous plus, ou moins ? Te crois-tu plus qu’un oiseau ? — me demanda Bamboche avec un accent de dignité superbe.

— Je me crois plus qu’un oiseau, — répondis-je avec conviction, éclairé par mon ami sur ma valeur individuelle.

— Par ainsi, — reprit Bamboche triomphant d’avance du dilemme qu’il m’allait poser : — nous sommes plus