Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/297

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autre malheureuse créature, prête, aussi, de tomber dans l’abîme… Mais ce nom… ce nom… il me semble qu’il me fera aimer cet enfant davantage encore.

Puis, s’adressant à moi :

— Ne te rappelles-tu aucune circonstance de… mais non, dors… dors… mon enfant… demain il sera temps de causer.

— Je n’ai pas envie de dormir. Monsieur, je suis trop triste.

— Eh bien ! raconte-moi comme tu le pourras, en peu de mots, mais bien franchement, ta vie jusqu’à ce jour.

Et je racontai tout, à peu-près tout, à Claude Gérard ; je lui cachai seulement mon amour pour Régina.

Mon récit naïf, sincère, attendrit et irrita tour-à-tour mon nouveau maître ; il me témoigna l’horreur que la Levrasse, la mère Major, etc., etc., lui inspiraient, et le sort de Basquine le navra. S’il accusait Bamboche, il le plaignait aussi. Durant le cours de mon récit, Claude Gérard me dit plusieurs fois qu’il regrettait amèrement la disparition de mes compagnons ; car, d’après ce que je lui apprenais d’eux, il ne doutait pas de leur retour à de meilleurs sentiments.

Arrivant au récit de notre dernière tentative, afin d’obtenir l’appui des petits riches que nous avions rencontrés dans la forêt de Chantilly, je nommai le vicomte Scipion Duriveau, nom et titre que nous nous étions maintes fois rappelés, moi et mes compagnons, soit pour nous moquer de ce titre donné à un enfant, soit pour nous remémorer l’insolence et la méchanceté précoces de ce petit riche.