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science d’être toujours au-dessus de l’outrage n’est-elle pas quelquefois le comble de la dignité ?

Nous revînmes à l’école, mon panier et le sac de Claude Gérard à-peu-près remplis.

Le jour tirait à sa fin ; la neige continuant de tomber abondamment, s’était, durant notre absence, amoncelée devant la porte de l’étable. Claude Gérard, voulant déblayer l’entrée, chercha la pelle que nous avions oubliée au cimetière, ainsi que la houe, après avoir creusé et comblé la fosse de la mère de Régina.

    « ..... Nous disons donc que l’instituteur était souvent regardé dans la commune sur le même pied qu’un mendiant ; — que les maires, quand ils voulaient donner à l’instituteur une marque d’amitié, le faisaient manger à la cuisine ; que, dans bien des endroits, ils n’étaient pas payés en argent, mais que chaque famille mettait de côté ce qu’elle avait de plus mauvais dans sa récolte pour donner à l’instituteur, lorsqu’il viendrait mendier à chaque porte, la besace sur le dos. — Nous disons que l’instituteur n’était pas toujours bien venu à réclamer dans un ménage son petit lot de pommes de terre, parce qu’il faisait tort aux pourceaux. »

    Puis viennent à l’appui des notes extraites des rapports des inspecteurs-généraux.

    » ..... On peut remarquer que dans les quatre premières communes de ce canton, il n’est pas question de rétribution pécuniaire : les instituteurs vivent de ce que les parents veulent bien leur donner lors de chaque récolte.

    » — Les instituteurs se contentent d’une certaine quête qu’ils font chez l’un et chez l’autre. Supposez, dans la saison des vendanges, M. l’instituteur allant de porte en porte, avec un brocotte, mendier quelques litres de vin, le plus souvent donné de mauvaise grâce (Seine-et-OiseÉtampes). Il y a dans plusieurs localités un mode de rétribution qui renferme quelque chose d’humiliant pour l’instituteur, en l’assimilant en quelque sorte à l’individu qui tend la main pour recevoir la récompense de ses peines… et quelle récompense !… des pois ! »