Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 3-4.djvu/374

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Nous arrivâmes au château de Saint-Étienne. Claude Gérard me montra de loin le propriétaire de cette magnifique résidence. Ce personnage, ne soupçonnant pas le danger dont il était menacé, se promenait dans une avant-cour avec sa femme, ses enfants et plusieurs dames. Pour nous rendre au château, il fallait traverser un pont jeté sur un canal qui entourait le parc. Claude Gérard nous ordonna de garder ce pont, et quoi qu’il pût en arriver, d’en refuser le passage… à nos auxiliaires, sur lesquels nous avions cinq ou six cents pas d’avance.

Claude Gérard, allant alors droit au maître du château qui commençait à s’inquiéter de ces rassemblements armés, lui dit :

— Monsieur… ne craignez rien… une cinquantaine d’hommes, égarés par la misère ou par de mauvais conseils, ont résolu d’attaquer votre maison ; ils sont venus dans notre village nous demander main-forte ; au bout d’un quart d’heure de conférence avec eux, j’ai compris qu’il me serait impossible de les dissuader de leur dessein ; je me suis donc décidé à les accompagner afin de vous protéger au besoin… Monsieur, j’ai rassemblé ces braves garçons que vous voyez là-bas gardant le pont ; je ne désespère pas encore de calmer ces malheureux égarés dont nous nous sommes faits les auxiliaires pour les maintenir. Si je ne puis y parvenir, ces jeunes gens que j’ai amenés, et moi, nous vous défendrons ; ne m’ayez aucune reconnaissance. Monsieur, — dit Claude Gérard au propriétaire stupéfait, — je ne vous connais pas, mais en nous opposant, même au péril de