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main compatissante me retourna tout d’une pièce, et l’on me dit : — Va tout droit.

» Je suivis le fil des banquettes.

» — À gauche, maintenant ! — me cria la même âme pitoyable.

» Je tournai à gauche, et me trouvai dans le large espace qui, séparant la salle en deux parties, conduisait à l’estrade. Je me dirigeai vers le but les yeux fixes, sans plus regarder ni à mes pieds, ni à droite ou à gauche, que si j’avais traversé une planche jetée sur un abîme ;… j’avais pris pour unique point de mire la splendide simarre de S. Ex. Mgr. le grand-maître de l’Université.

» Guidé par cette espèce d’étoile polaire, j’arrivai enfin aux premiers degrés de l’estrade ; mais je les gravis si précipitamment, ou plutôt si maladroitement, qu’embarrassant mes pieds dans les tapis, je me laissai choir au milieu des marches ; ma physionomie ahurie, mes habits ridicules, l’accouplement de noms singuliers auxquels je répondais, avaient déjà parfaitement disposé l’auditoire à l’hilarité ; ma chute fut le signal d’une explosion de rires universels.

» Je fus héroïque : songeant à l’angoisse que le grotesque incident devait faire éprouver à mon pauvre père, je me levai bravement au milieu des rires ; j’atteignis enfin le plancher supérieur de l’estrade, et je me précipitai aveuglément dans les bras du grand-maître qui, loin de s’attendre à cette brusque accolade, se préparait à poser sur mon front la couronne du lauréat ; il y parvint cependant, quoique assez empêché par mon intempestive et convulsive étreinte ; mais,