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mère Major descendre dans la cave pour aller le chercher et lui donner sa leçon, mais elle remontait courroucée, s’écriant qu’il refusait opiniâtrement de travailler la moindre crampe[1].

Alors la Levrasse, rasant discrètement la terre, avec son allure de chat sauvage, se dirigeait vers la cave, où il disparaissait pendant un quart d’heure au plus ; après quoi il revenait sans qu’on eût entendu aucun bruit, aucun cri, et si je m’informais de mon compagnon, la Levrasse me répondait par une grimace grotesque.

Léonidas Requin, affectueux envers tous, naturellement apathique et craintif, ne désirait qu’une chose : le repos ; il semblait d’ailleurs parfaitement heureux de son sort, écoutait avec un calme stoïque les grossièretés de la mère Major ou les paroles sournoisement méchantes de la Levrasse, mangeait bien, dormait la grasse matinée, et cherchait le moindre rayon de soleil pour s’y étaler ; là, sans doute, il philosophait à son aise, lisant et relisant son divin Sénèque. Seulement, de temps à autre, il se posait et faisait jouer ses nageoires factices, puis mangeait un poisson cru pour s’entretenir la main, disait la Levrasse.

Léonidas m’a avoué plus tard qu’il n’avait pas tout d’abord trouvé ma condition fâcheuse, et, qu’en comparant, mon éducation acrobatique qui développait ma vigueur, mon agilité, mon adresse, sans me rendre impropre à d’autres professions, lui paraissait très-préférable à la stérile éducation universitaire qu’il avait reçue.

Un jour il me proposa de m’apprendre à lire ; mal-

  1. À faire le moindre exercice acrobatique.