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— Montrez-moi le tour le plus difficile, le plus dangereux, je l’apprendrai, quand je devrais m’y casser le cou, mais à condition que, lorsque je saurai ce tour, vous ferez grâce à Bamboche.

— Soit, — me dit la Levrasse avec son sourire narquois et méchant. — Quand tu sauras le saut du lapin, ton ami Bamboche aura sa grâce.

Rien de plus pénible et de plus périlleux que ce tour : il consistait à s’élancer du haut d’une sorte de plateforme d’une toise d’élévation, à tourner une fois sur soi-même, et à se retrouver sur ses pieds ; la moindre maladresse pouvait, en vous faisant retomber à faux, occasionner la fracture d’un membre ou la luxation du cou, luxation toujours mortelle. L’espoir d’obtenir la grâce de Bamboche me donna une telle ardeur, que je fatiguai même la robuste activité de la mère Major ; mes forces s’épuisaient, je m’opiniâtrais toujours. Enfin, pris de vertige et de faiblesse au milieu de mes évolutions, je retombai si malheureusement que je me cassai le bras gauche.

Pour cette fois, accessible à un sentiment de pitié, la Levrasse m’accorda la grâce de mon ami. Je venais d’être transporté dans mon lit par Léonidas et par la mère Major, lorsque Bamboche entra. Je n’ai jamais su pourquoi ou dans quel but la Levrasse lui avait confié la cause de ma blessure ; mais cet enfant indomptable, à qui les plus cruels traitements jamais n’arrachaient une plainte, une concession ou une larme, se jeta sur mon lit tout en pleurs, et s’écria :

— C’est pour moi… pour avoir ma grâce, que tu t’es cassé le bras ?

— N’est-ce pas pour moi que, depuis huit jours, tu