Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/169

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lités, — les fantaisies, — le jeu, — les paris de courses, — et tu verras qu’au bas mot, un homme d’un certain rang ne peut pas vivre, mais réellement pas vivre, à moins de quatre-vingt ou de cent mille francs par an, sans compter une centaine de mille francs de premier établissement ; et encore doit-il vivre en garçon, sans maison montée. »

— C’est vrai, — dit Robert de Mareuil avec un amer soupir de regret, — oui, je défie un homme comme il faut de vivre à moins à Paris, s’il veut tenir son rang…

— Tu es plus près de la vérité que tu ne le crois peut-être, Robert, en disant que tu ne peux pas vivre à moins, et je remets ce budget sous tes yeux pour bien constater la somme de tes besoins, maintenant, pour toi, le superflu, passé à l’état chronique, est devenu tellement nécessaire, que, s’il te manquait par trop long-temps…

— Je me tuerais, — dit froidement Robert.

Ces mots furent si résolument prononcés par le comte, que je ne doutai pas qu’il ne dît la vérité. Le poète partagea cette conviction, car, après un silence, il reprit d’une voix très-émue :

— Oui… je le crois, tu te tuerais. Aussi te le disais-je, tu ne peux pas vivre à moins de soixante mille francs. Je comprends cela, moi qui pourtant vis avec mes douze cents francs… Oui, je comprends cela, car il faut prendre ses amis comme ils sont ; au lieu d’être borgne ou bossu, tu as l’infirmité du superflu, mais voilà tout. Je ne veux donc pas que tu te décourages, parce que, si tu te décourages, tu manqueras un mariage de cent ou cent cinquante mille livres de rentes, et de désespoir tu te brûleras la cervelle. Or, que diable ! je ne