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n’ai qu’à paraître, et le bonheur se change en tristesse, etc. »

Basquine chantait cet air, aux paroles plus que médiocres, avec une si admirable expression, qu’elle leur donnait un accent terrible ; sa voix de mezzo-soprano, à la fois grave, veloutée, sonore, vibrante, faisait tressaillir toutes les cordes de mon âme

Et je n’étais pas seul profondément impressionné par ce rare talent…

Suspendu, comme on dit, aux lèvres de Basquine, je jetai par hasard les yeux sur la loge occupée par Balthazar et par Robert de Mareuil, loge située presque sur le théâtre.

Le poète écoutait Basquine avec une admiration et un intérêt qu’il traduisait par les gestes, par les mines, par les attitudes les plus excentriquement enthousiastes ; Robert de Mareuil, au contraire, écoutait dans une extase recueillie… D’abord, assis dans le fond de la loge, puis, comme atterré malgré lui par le chant, par le jeu, par la beauté de Basquine, il avait peu-à-peu avancé la tête, et, s’appuyant d’une main sur le rebord de la loge, ne quittant pas Basquine du regard, il semblait fasciné.

En face de cette loge occupée par Robert, mais à un étage supérieur, se trouvait la loge de Bamboche. L’absence de celui-ci se prolongeait ; la jeune femme qui l’avait accompagné était encore seule. Elle me parut, comme le plus grand nombre des spectateurs, il faut l’avouer, assez indifférente ou ignorante du merveilleux talent qui se révélait tout-à-coup chez Basquine, pauvre figurante inconnue… talent qui néanmoins s’imposait tellement, que les plus rebelles à son empire le subis-