Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

triste et pensif, qui lui était habituel dans son enfance, lorsqu’elle parlait de sa famille et de son père.

Vus de près, les traits de Basquine paraissaient encore plus fins, encore plus purs qu’à la scène, mais aussi on y remarquait davantage l’empreinte de la misère et du chagrin ; son teint, autrefois d’une transparence rosée, quoique un peu bruni par le hâle, s’étiolait alors sous une pâleur maladive ; ses lèvres, jadis d’un vermillon si vif, avaient blanchi ; enfin il fallait la grâce, la svelte élégance des attaches de son cou et de ses épaules, pour faire oublier sa maigreur. Hélas ! que dirai-je, ce charmant visage de seize ans, déjà flétri, décoloré, trahissait l’habitude de privations et de peines si amères, que des larmes me vinrent aux yeux.

— Tu me trouves bien changée ? n’est-ce pas, Martin ? — me dit Basquine, devinant la cause de mon émotion, — moi… je t’aurais reconnu tout de suite…

Puis s’adressant à Bamboche, en me montrant du regard :

— Comme il a l’air loyal et bon ! n’est-ce pas ?

— Ça me rappelle… ce que je disais à Claude Gérard… l’homme que nous avons volé et qui a recueilli Martin. — reprit Bamboche, — « D’après ce que vous m’apprenez de Martin, je vois d’ici sa figure grave et douce, où se peint son caractère. » — Je ne m’étais pas trompé, c’est bien cela, — ajouta Bamboche en me regardant fixement, — oui, c’est bien cela, c’est bon à voir une loyale figure… ça repose…

— Toi… — dit Basquine à Bamboche, — avec un singulier accent d’affection, de reproche et de mélancolie,