Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/297

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verrou de la porte… et alors commença contre moi une scène d’ignoble brutalité. Je me défendis, pleurant, suppliant à voix basse, sans oser appeler au secours, sachant qu’en cas de scandale, le maître de l’auberge me donnerait tous les torts, et me chasserait ignominieusement… Mes prières, ma frayeur enhardirent ces petits misérables, ma résistance obstinée exaspéra Scipion ; déjà animé par le vin, il entra dans un accès de rage, m’accabla d’injures, me frappa si méchamment au visage, que mon sang coula… Me dégageant alors par un effort désespéré, je me précipitai à la fenêtre, que j’ouvris en criant au secours… J’avais la figure ensanglantée ; les personnes attablées dans le jardin, me voyant ainsi, se levèrent en tumulte ; un des camarades de Scipion, épouvanté, courut ôter le verrou de la porte ; le maître de l’auberge entra, rejeta tout sur moi et me chassa brutalement ; mais plusieurs spectateurs de cette scène prirent parti pour moi, et sans l’arrivée du gouverneur de Scipion, qui, aidé de l’aubergiste, fit passer le vicomte et ses camarades par une porte de derrière, où ils montèrent aussitôt en voiture, la foule indignée leur eût fait peut-être un mauvais parti.

— Mauvais gredin, — s’écria Bamboche, — c’est toujours le même méchant gamin de la forêt de Chantilly… faudra pourtant que ça finisse pour lui par quelque chose d’un peu rude… Il commence à avoir l’âge…

— Cela me regarde… j’attendrai… dit Basquine avec sa froide ironie. — Si je vous parle de cette autre indignité de Scipion, mes amis, c’est que, rapprochée de la scène de ce soir… cela prend un caractère de fatalité étrange… — ajouta Basquine en s’animant peu-