Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/350

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l’a suivi d’un œil consterné, en le voyant me remettre les vingt mille francs :

— Ce n’est pas tout ; le marquis s’écria, au plus fort de l’opération : — « Mille francs de rente ! hélas ! »

Et après avoir de nouveau contemplé les vingt mille francs d’un œil de convoitise, le docteur Clément ajouta :

— Je n’ai qu’un remords… c’est de ne pas avoir exigé cent mille francs comme je les ai exigés d’un certain mylord, duc de Castleby, féroce débauché ; le marquis les eût donnés… Mais… je commence à avoir des scrupules… et à voir comme tu dis, tout ce qu’il y a d’ignoble dans cette âpreté de gain…

À ce moment, notre voiture s’arrêta dans je ne sais plus quelle sombre et sinistre rue du faubourg Saint-Marceau ; nous montâmes au dernier étage d’une maison délabrée. Mon maître ouvrit la porte d’une mansarde, le tableau d’une effrayante misère s’offrit à notre vue. Ils étaient là, le mari, la femme et trois enfants, hâves, exténués, demi-nus ; la femme, d’une beauté remarquable, allaitait un nouveau-né ; l’homme, à peine couvert de haillons, coloriait de ces cornets recouverts de gravures informes dans lesquels les épiciers vendent des dragées.

L’arrivée du docteur Clément, absolument inconnu de ces malheureux, leur causa une surprise inquiète ; ils nous regardaient en silence presque avec crainte.

— Vous vous nommez Auguste Levasseur ? — dit mon maître, attachant sur ce malheureux un regard scrutateur, et l’observant avec une attention péné-