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guet-apens, je suis encore à comprendre la possibilité d’une si effroyable dissimulation.

Je quittai la rue du Marché-Vieux si complètement rassuré par ce que je venais de voir et d’entendre qu’il ne me vint pas à la pensée de prendre des renseignements sur Mme Lallemand ; j’oubliai même l’étonnement que j’avais ressenti en trouvant cette maison uniquement habitée par la protégée de la princesse.

Rentré à l’hôtel, je m’habillai avec soin, je devais le soir servir à table ; le tailleur du prince était excellent. Je revêtis un habit du plus beau drap noir, élégamment coupé. Lorsque ma toilette fut terminée, je me regardai dans la petite glace de ma chambre ; soigneusement cravaté de batiste blanche, chaussé de bas de soie noire et d’escarpins bien luisants à boucles d’or, je ne craignis pas d’être reconnu par le prince qui ne m’avait adressé la parole qu’une fois, et alors qu’à moitié ivre, il me plaisantait sur les haillons dont j’étais couvert.

En entrant dans l’office de la salle à manger, je trouvai le maître d’hôtel et le vieux valet de chambre du prince, nommé Louis, qui me dit affectueusement :

— Avant d’aider au couvert, mon cher ami, avez-vous été voir si le feu du salon de Madame allait bien ? Elle ne peut tarder à rentrer…

— Non, Monsieur Louis, lui dis-je, je n’y avais pas songé et j’y vais…

— N’oubliez pas aussi, lorsque Madame rentrera, de vous trouver à la porte du parloir d’attente pour la recevoir.