Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/443

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Mais à propos de peinture, — ajouta le prince, — savez-vous que je suis jaloux de vos tableaux ?

— Vous leur faites vraiment trop d’honneur.

— Il y a surtout cette nouvelle marine d’Isabey… elle ne me sort pas de devant les yeux… c’est un chef-d’œuvre.

— Elle est charmante en effet.

— Si charmante… que tantôt, pendant votre absence, je suis allé encore l’admirer…

Ce disant, et à ma grande surprise, le prince leva un instant les yeux sur moi, comme si cette explication de sa présence dans l’appartement eût été donnée à mon intention, explication dont je fus d’ailleurs ravi, car elle apprenait à Mme de Montbar ce que j’avais eu la maladresse de ne pas lui dire : — que, pendant son absence, son mari s’était introduit chez elle.

Ainsi devaient tomber les soupçons qu’elle pouvait avoir sur moi dans le cas où elle se serait aperçue de quelque acte indiscret.

— Je suis très-heureuse que le tableau vous plaise, — avait répondu la princesse à son mari, — seulement je regrette que vous ne veniez l’admirer que… pendant mon absence.

Je ne sais si ces mots prononcés par la princesse avec autant de froide politesse que si elle se fût adressée à un étranger, parurent au prince renfermer un double sens, mais il arrêta sur sa femme, pendant une seconde, un regard pénétrant ; puis il ajouta :

— Lorsque vous êtes chez vous, vous êtes toujours très-entourée, et, vous le savez, il n’y a rien de plus fâcheux qu’un mari dans le salon de sa femme, le