Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/370

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amis et vos ennemis, quelle joie folle et moqueuse ! le brillant Scipion, le blasé, le roué, le plus redoutable de la bande, enfermé comme un sot !! tenez… croyez-moi… ne cherchez pas à lutter contre votre père… vous serez brisé ; vous n’êtes qu’un enfant… auprès d’un homme de cette trempe…

— Vous aussi ? — s’écria Scipion, avec autant de surprise que d’amertume, — vous aussi, vous m’accablez.

— En vérité ! — s’écria Basquine, en paraissant céder à une indignation factice, — ne dirait-on pas que vous avez subi seul les outrages de cet homme ? Ne m’a-t-il pas aussi traitée avec le plus insultant mépris ? Ne m’a-t-il pas forcée… oh !… il l’a bien dit… et c’est ce qui fait ma rage, ne m’a-t-il pas forcée à rougir de vous ?

— Rougir de moi… — s’écria Scipion — vous…

— Et qu’avez-vous donc fait pour me rendre fière ? Est-ce du fond de votre ridicule prison que vous nous vengerez tous deux ? ou bien si, vous mettant à genoux devant votre père pour lui demander grâce, vous consentez à épouser votre Raphaële ? sera-ce… de…

— Me railler dans un pareil moment, — s’écria Scipion en interrompant Basquine, — mais vous êtes donc sans pitié ?

— Oui, je serai sans pitié… parce que vous vous êtes laissé jouer, duper, par cet homme, et que je suis assez folle pour ressentir aussi amèrement, plus amèrement que vous, la honteuse position où vous êtes. Après tout, cela me serait bien égal à moi, si je ne vous aimais pas.