Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 7-8.djvu/406

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contrée qui lui appartient presque tout entière, et que la maladie et la misère décimaient depuis si long-temps.

— Je dis comme Basquine : quel changement ! — reprit Bamboche ; puis il ajouta, avec un affreux ricanement : — Ce que c’est que de tuer son fils, pourtant !! il n’y a rien de tel pour moraliser un homme.

— Tu es toujours le même… — dit tristement Martin à Bamboche. — À cette heure encore !…

— Pardieu ! à cette heure, surtout — dit le brigand en éclatant de rire. — Parce qu’on me coupe le cou demain, tu veux que ça me rende aujourd’hui bonhomme… et vertueux.

— Tu te calomnies, encore, dit Martin, — ton dévoûment pour mon père a été admirable.

— Le beau mérite ! j’étais pris tout de même.

— Et lorsque chez le docteur Clément, afin de ne pas me faire accuser, tu as renoncé au fruit du vol que tu venais de commettre… cela encore était beau et bien… Qu’à ce moment suprême, ces bons souvenirs te consolent au moins !

— Bah… ces beaux sentiments-là ne m’ont pas empêché de tuer à coups de hache un vieillard et sa femme pour leur voler vingt-trois francs…

— Mais de ce crime affreux… tu te repens ? — s’écria Martin.

— Pas du tout… j’avais faim… j’avais froid ; avec ces vingt-trois francs, j’ai acheté une roulière et j’ai vécu huit jours…

— Écoute… mon pauvre Martin, — dit Basquine à son compagnon qui frémissait d’un tel endurcisse-