Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/268

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tails, je les ai jugés avec une sûreté, avec une hauteur de vue dont j’ai été moi-même étonnée. En contemplant ainsi les jours d’autrefois, j’ai reconnu, sans fol orgueil, que mon dévoûment envers vous n’avait jamais failli, que j’avais fait des prodiges de tendresse pour conserver mon amour intact et pur malgré vos dédains. Excepté quelques plaintes rares que m’arrachait une douleur intolérable, j’ai toujours souffert avec résignation ; à votre moindre velléité de tendresse, vite j’essuyais mes larmes, je venais à vous, le sourire aux lèvres, et je renaissais encore à des espérances de bonheur tant de fois trompées.

— Cela est vrai… mais il n’est pas généreux à vous de mettre à cette heure en présence et mes torts et vos vertus — dit Gontran avec amertume.

— Si je vous parle ainsi, Gontran, ce n’est pas pour me louer d’avoir toujours agi de la sorte, mais pour m’en blâmer.

— Comment, vous regrettez… ?

— Je regrette d’avoir fait justement ce qu’il fallait pour être malheureuse, sans vous rendre heureux ; peut-être même eussiez-vous été