Page:Sue - Mathilde, tome 4.djvu/88

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cette abominable cocarde et ce passeport timbré d’un imbécile de coq gaulois qui m’a tout l’air d’un gras citoyen du Maine, ne sont que des sauf-conduits… j’en use, mais je les méprise… vous comprenez ?

— Parfaitement, Madame ; mais à quel heureux hasard devons-nous votre bonne visite ?

— Figurez-vous donc, mon pauvre garçon, qu’ils vont juger, c’est-à-dire condamner ces malheureux ministres ; il y a des émeutes tous les jours à Paris : on parle de piller les hôtels ; de faire un second 93. J’ai fourré mon argenterie dans une cachette que le diable ne déterrerait pas ; j’apporte mes diamants et cinq mille louis dans le double-fond de ma voiture, et je viens attendre ici les évènements. Si ça se calme, je retourne à Paris ; si ça augmente, j’émigre en Angleterre encore une fois : mais, quant à présent, Paris n’est plus tenable. Toute ma société s’est effarouchée et envolée, il y avait bien de quoi. Les uns ont suivi ce pauvre bon vieux roi et madame la Dauphine ; les autres vont en Vendée attendre Madame, et, Dieu merci, ils donneront longtemps du fil à retordre à ces nouveaux bleus : les autres,