Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/246

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Sachez qu’il n’est permis d’autre plainte au courage
Qu’un suprême soupir, celui du trépassant,
D’autres pleurs dans les yeux que les larmes de rage,
D’autre faiblesse au cœur que la perte du sang.

Ce sont des gens soldés, des troupes asservies :
L’or fait les plus nombreux, mais l’âme les plus forts,
Et nous vendrons du moins si chèrement nos vies
Qu’ils seront les vaincus si l’on compte les morts.

Leur sang sera l’engrais des récoltes futures :
Ils nous volent nos champs, ils les doivent nourrir.
Allez ! laissez aux vents le soin des sépultures ;
Les femmes prieront Dieu pour ceux qui vont mourir !


les jeunes gens

Pères, nous acceptons que le canon nous broie ;
Nous ne languirons pas sous le fouet exécré.
Nous sommes préparés, ayant grandi sans joie ;
Sur nos premiers jouets nos mères ont pleuré.