Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1865-1866.djvu/323

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De là sa dignité, cette foi dans soi-même
Qui révèle à ce roi sa divine onction,
Et lui dit que son front convient au diadème,
Sa poitrine à l’amour, son bras à l’action !
Poète, oubliais-tu les bas-reliefs antiques
Racontant la naissance et le progrès des arts :
Le soc, le bœuf, la ruche et les essais rustiques
Faits par les jeunes gens sous les yeux des vieillards,
Partout, dans la campagne égale et spacieuse,
Les efforts du labour, les merveilles du fruit,
Et la rébellion farouche et gracieuse
Des premiers étalons que le dompteur instruit ;
Les sages, l’alphabet écrit dans la poussière,
La chasse aventureuse et l’aviron hardi,
Les murailles, les lois sur les livres de pierre,
Et l’airain belliqueux pour l’épaule arrondi ;
Les femmes dessinant les héros dans la trame,
Les artistes au marbre inculquant leurs frissons,
Et le berger poète, inventeur de la gamme,
Suspendant le soupir à la chaîne des sons !
Il est beau, ce spectacle ! eh bien ! il dure encore !
La conquête a changé ; l’ambition non pas !
Nos pères tâtonnaient aux lueurs d’une aurore,
Mais le plein jour enfin se lève sur nos pas ;