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les destins

       Demeure, en dépit du blasphème,
       Car n’es-tu pas l’essence même
       Des insatiables désirs ?
       N’est-ce pas toi qui les attises,
       Ô foyer de nos convoitises !
       Que seraient sans toi nos plaisirs ?

       « Douleur, sans ton ancre de flamme,
       Que seraient l’espoir et la foi ?
       Que seraient la tendresse d’âme
       Et l’héroïsme altier sans toi ?
       Non, le meilleur être possible
       N’est pas un lutteur invincible,
       Un amant au bonheur fatal !
       C’est un ignorant qui découvre,
       Un captif à qui le ciel s’ouvre,
       Un pèlerin de l’idéal !

       « Créons le monde le plus digne ;
       Sous le joug accepté des lois,
       Permettons à son hôte insigne
       Le sublime péril du choix.
       Ah ! que pour triompher il ose !
       Qu’il soit libre pour être cause !