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les destins


« L’équilibre des lois, la constance des causes
Lui confèrent un ordre invulnérable au temps,
Et rien ne change en lui que la forme des choses
Qui seules ont des jours comptés et militants.

« Son existence égale et suprême est la somme
De tous les accidents de naissance et de mort ;
Elle échappe à l’esprit comme au regard de l’homme,
Qui s’en forge une image avec son propre sort.

« Mon ample quiétude, il ne la peut comprendre,
L’homme anxieux pour qui vivre c’est s’agiter !
Quel hommage assorti trouve-t-il à me rendre ?
Lui qui ne sait que plaindre et que féliciter !

« Je n’accepte de toi ni vœux ni sacrifices,
Homme, n’insulte pas mes lois d’une oraison ;
N’attends de mes décrets ni faveurs, ni caprices ;
Place ta confiance en ma seule raison ! »

Ainsi, plane éternel l’hymne de la Nature
Sur l’éphémère bruit des souhaits discordants ;
Et le sage, invincible au destin qu’il endure,
Répond à cette voix qui lui parle au dedans :