Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/118

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Ses lois, ses mœurs, son vivre à sa progéniture.
     Le point, le dernier terme où le plein se résout,
Limite qui n’est plus des organes sentie,
Existe assurément sans aucune partie ;
D’essence irréductible, il n’a pu hors d’un tout
Ni ne pourra jamais subsister par lui-même,
Partiel par nature, élément simple, extrême ;
Et le plein est formé par le compacte amas
De pareils éléments qu’un seul contact assemble
Et qui, n’existant point, par soi, hors de l’ensemble,
Y tiennent forcément et ne s’arrachent pas.
L’atome est donc un plein solide, indivisible,
Bloc massif d’éléments le plus petits possible,
Non fait de corps distincts conduits à concourir,
Mais de tout temps pourvus d’une unité profonde,
À qui l’on n’ôte rien, qu’on ne peut amoindrir.
Réservoir étemel des semences du monde !
     Si la division n’a son terme borné,
Le moindre corps se prête à des parts innombrables,
Les moitiés des moitiés sont en deux séparables
Toujours, et tout objet reste indéterminé ;
Car, dès lors, de la moindre à la plus grande chose
Quelle est la différence ? Aucune. Vainement
La plus grande au-dessus s’élève infiniment ;
De parts sans nombre aussi la moindre se compose.
Mais la raison qui sent ces contradictions
S’en révolte ; et tu dois, convaincu, reconnaître
Qu’il existe des corps simples, sans portions,
D’essence indivisible, et qui, possédant l’être,
Sont solides aussi, doivent toujours durer.