Page:Sully Prudhomme - Œuvres, Poésies 1878-1879, 1886.djvu/196

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Elle a su conformer les vouloirs à ses plans
Par un ressort profond qui les meut à sa guise ;
L’appétit seul qu’un nom plus ou moins beau déguise
Règle de tous les cœurs les vœux et les élans.

L’élite des mortels croit, depuis deux mille ans,
Cueillir les divins fruits d’une morale exquise ;
Mais sa foi, c’est, au fond, l’appétit qui s’aiguise,
Courant aux palmes d’or comme jadis aux glands.

La Nature n’a pas, quand une espèce est née,
Confié son salut, remis sa destinée
À des gardiens d’un zèle arbitraire et gratuit ;

Non ! L’œuvre utile à tous est à chacun prescrite
Par les propres besoins de son cœur, que séduit
Un illusoire appât d’ivresse ou de mérite.




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